Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/328

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trouve moins bien depuis quelque temps, je la trouve étrange. Mon Dieu, pourvu que cela ne recommence pas ! » Une après-midi qu’elle était demeurée silencieuse, inerte, le front barré de plis durs, un inutile ouvrage de tapisserie sur ses genoux, elle se leva tout d’un coup de sa chaise, pinça au bras Sébastien et le souffleta. Ensuite, criant, trépignant le parquet, elle fondit en larmes. Mme Lecautel emporta sa fille, la coucha, la dorlota :

— Marguerite… ma petite Marguerite !… Je t’en prie, ne sois pas comme ça !… Tu me ferais mourir de chagrin.

Et, toute la journée, Marguerite ne put dire que ces mots :

— Je le déteste !… je le déteste !… je le déteste !

Sébastien eut la pensée de tout avouer, non par remords, non par intérêt pour Marguerite, mais uniquement afin de se délivrer de cette obsession qui lui était un supplice. Il recula, de semaine en semaine, l’instant de cette confidence. Enfin, un jour il se décida, et il dit :

— Il faut que je vous avoue une chose grave, Mme Lecautel… une chose qui me tourmente depuis longtemps…

— Avouez, mon cher enfant… Eh bien, quelle est donc cette chose grave ?

— C’est… c’est…

Il s’arrêta, subitement effrayé de ce qu’il allait révéler, et il réfléchit que ce serait odieux de donner une pareille douleur à cette mère.

— Ce n’est rien, fit-il… Plus tard !

Mme Lecautel était habituée aux façons de