Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/330

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oui !… Mme Champier m’a parlé de toi !… Hé !… hé !… Mme Champier… Enfin ça la regarde, quoique…

Au fond, M. Roch, malgré ses idées de haute moralité, eût été flatté que son fils entretînt des relations secrètes et coupables avec Mme Champier, la bourgeoise la plus élégante et la mieux cotée de Pervenchères.

Sébastien était inquiet de toutes ces audaces de Marguerite. Il changea de tactique vis-à-vis d’elle et crut l’endormir un peu par de la douceur et des apparences d’amour. Maintenant, il se montrait plus empressé, la regardait d’un regard plus tendre, prenait quelquefois sa main à la dérobée, l’attirait à lui, la serrait contre sa poitrine, dans le couloir, lorsqu’il s’en allait. Marguerite s’abandonnait, émue, vaincue, sans force. Elle disait :

— Je te verrai bientôt là-bas, dis ?

— Oui !… oui !… bientôt… Demain, je te le dirai demain…

— Pense donc !… Il y a si longtemps…

Et Sébastien soupirait d’une voix caressante :

— Si longtemps ! oh oui !…

Elle redevenait plus souple, heureuse, confiante et gaie. Sa mère était contente de revoir les couleurs roses reparaître aux joues de sa fille et les enfantillages drôles ranimer ses joies assoupies. Elle disait à Sébastien : « Dieu merci, je crois que c’est passé !… N’est-ce pas qu’elle va mieux. »

Cela dura ainsi pour Marguerite, avec des alternatives de révolte et de soumission, pour Sébastien avec, tour à tour, des angoisses d’amour