Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/57

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heureux que quelqu’un voulût bien s’occuper de lui… J’suis d’Pervenchères.

— Ah ! t’es d’Pervenchères ?… Ta parole ?… Et comment t’appelles-tu ?… Tu t’appelles monsieur de Pervenchères ?…

— Je m’appelle Sébastien Roch…

— C’est épatant, tu sais, de s’appeler comme ça !… Et ton chien ?… Tu as oublié ton chien !… Où est-il ton chien ?… Je me disais bien que je t’avais vu quelque part, mon vieux Saint-Roch !… C’était au-dessus de la porte de notre jardinier, dans une niche… Seulement tu étais en pierre, et tu avais ton chien… Dis donc ?

Il lui bourra les côtes, à coups de coude.

— Dis donc ?… Ce n’est pas une raison pour t’asseoir sur mon pardessus.

Et comme les élèves riaient, que Sébastien, confus et très rouge, baissait la tête :

— Allons ! Châteauvieux !… fit le Père, d’une voix indulgente, presque complice ; laissez cet enfant tranquille.

Châteauvieux détourna la tête avec une moue de jovial dédain. Il lissa sa fourrure, se ganta soigneusement, et raconta des histoires de chasse.

La route fut longue et lassante. Sous un ciel gris, gris comme un plafond tendu de toile grise, sous un ciel immobile, sans une seule nuée voyageuse, de courts horizons ondulaient, durs et secs ; des champs se succédaient, lourdement vallonnés, enclos de pierres, avec de chétifs pommiers penchant, de distance en distance, leurs tignasses moussues. Çà et là, des maisons basses, noirâtres, baignant, dans la boue et le fumier, leurs assises, imbibées du purin des étables ; çà et là, des masu-