Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/6

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l’étranger catholique, d’Espagne, d’Italie, de Belgique, d’Autriche, où l’impatience des révolutions et la prudence des partis forcèrent jadis les Jésuites de se réfugier, et où ils ont laissé d’inarrachables racines. Cette vogue, ils la tenaient de leur programme d’enseignement, réputé paternel et routinier ; ils la tenaient surtout de leurs principes d’éducation, qui offraient d’exceptionnels avantages et de rares agréments : une éducation de haut ton, religieuse et mondaine à la fois, comme il en faut à de jeunes gentilshommes, nés pour faire figure dans le monde, et y perpétuer les bonnes doctrines et les belles manières.

Ce n’était point par hasard que les Jésuites, à leur retour de Brugelette, s’étaient installés, en plein cœur du pays armoricain. Aucun décor de paysage et d’humanité ne leur convenait mieux pour pétrir les cerveaux et manier les âmes. Là, les mœurs du moyen âge sont encore très vivantes, les souvenirs de la chouannerie respectés comme des dogmes. De tous les pays bretons, le taciturne Morbihan est demeuré le plus obstinément breton, par son fatalisme religieux, sa résistance sauvage au progrès moderne, et la poésie, âpre, indiciblement triste de son sol qui livre l’homme, abruti de misères, de superstitions et de fièvres, à l’omnipotente et vorace consolation du prêtre. De ces landes, de ces rocs, de cette terre barbare et souffrante, plantée de pâles calvaires et semée de pierres sacrées, émanent un mysticisme violent, une obsession de légende et d’épopée, bien faits pour impressionner les jeunes âmes délicates, les pénétrer de cette discipline spirituelle, de ce goût du merveilleux et de l’héroïque, qui sont le grand