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Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/95

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Ce fut un enchantement pour Sébastien. Ses mauvais jours étaient finis, il ne redoutait plus aucune souffrance, aucun tourment. La confiance revivait en lui, agrandie, fortifiée par le don volontaire, spontané, éternel, qu’il venait de faire de son âme. Et il marchait, plus fier, les membres plus souples, trouvant à toutes choses des aspects de fête et de bonté, se promettant d’aimer Jean, de lui être dévoué jusqu’au sacrifice. Pour la première fois, il se sentait des hardiesses, des désirs de luttes généreuses. Toute une force inconnue distendait ses veines, accélérait les galops de son pouls, les battements de sa poitrine. Aucun obstacle ne paraissait insurmontable à son courage. Il eût voulu défier Guy de Kerdaniel.

On s’arrêta dans un bois de pins. Entre la colonnade des troncs, le sol, parsemé d’aiguilles sèches, était tout rose, et les pieds enfonçaient doucement dans de la mousse. Une odeur de térébenthine circulait, amère et puissante, mêlée à de vagues aromes de plantes marines que le vent apportait de l’Ouest. En effet, vers l’Ouest, très loin, et rayée par les barres sombres des pins, une ligne d’eau apparaissait, du même ton irisé que le ciel et presque confondue avec lui. Les élèves poursuivirent un écureuil. Les plus hardis grimpaient dans les branches, les autres aboyaient comme des chiens et jetaient des pierres à la bestiole effrayée. Sébastien et Jean s’assirent au pied d’un arbre ; Bolorec, debout contre le tronc, tailla une ébauche de bateau dans un morceau d’écorce. Tous les trois, de temps en temps, ils regardaient la chasse et se montraient l’écureuil, étourdi par les clameurs, qui fuyait d’arbre en