Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/143

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Si je te disais que… bien des fois… par dégoût… par besoin de vengeance… par un désir sauvage d’humilier mes parents… j’ai été tentée de me livrer à un homme de l’office ou de l’écurie !…

Sa voix s’altère, sa gorge se serre.
LUCIEN

Germaine !… (Il lui saisit les mains dans un élan de passion.) Germaine ! tais-toi… ne dis pas cela… ne dis jamais cela… ce n’est pas vrai !

GERMAINE

De tous les êtres humains qui passaient chez nous… ces faces louches et cyniques étaient sûrement les moins ignobles…

Elle pleure.
LUCIEN

Germaine… Germaine… je t’en conjure !… Ta confiance… ta droiture… les générosités de ton esprit… tout cet idéal de pureté violente… tout ce désir farouche d’existence libre et juste… et tes douleurs. Mais c’est de tout cela que je t’aime plus encore que de ta beauté !… C’est pour cela aussi, pour tout cela… que j’ai tremblé, tout à l’heure… Eh bien, oui… nous partirons… Nous partirons quand tu voudras… Nous partirons aujourd’hui… si tu veux !…

GERMAINE

Oui… oui… Mais pas comme des voleurs qui se cachent… Nous partirons le front haut… le cœur tranquille… devant tout le monde…