Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/20

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bras avec des étreintes… un cœur avec toutes les tendresses, avec toutes les ivresses de l’amour… Il ne se peut pas que tu l’aies oublié… Et je n’ai plus rien aujourd’hui… Tout le monde m’abandonne… jusques à mes enfants !… On me laisse mourir comme une bête… (Elle pleure.) comme une bête !… André… André… (Elle pleure plus fort.) Reviens près de moi… et fume, je t’en prie. Je tâcherai de n’être pas incommodée…

Le mari, il paraît gêné.

Ah ! les larmes, maintenant !… Après les reproches, les larmes… On ne peut pas être tranquille un instant… (Il fait un geste plus violent.) Ça n’est pas une vie… ça n’est pas une vie…

La Femme

Tu n’en as plus pour longtemps, va !… De jour en jour, de minute en minute, je sens la mort qui vient plus près de moi… Tu seras bientôt délivré…

Le mari

Allons… bon !… Voilà la mort… toujours la mort… On ne peut rien faire… on ne peut rien dire, sans qu’on vous jette tout de suite à la figure… quoi ?… La mort !… Ah ! non… non… ça n’est pas une vie…

La Femme

Eh bien… reviens t’asseoir dans ce fauteuil… près de moi… Je ne te dirai plus rien de tout cela… Je ne t’ennuierai plus jamais… de mes plaintes… je te le promets… (Sur un mouvement du mari.) Puisque je te le promets… Allons… viens… Tu as raison, mon ami… mes souffrances ne regardent personne… ne regardent que moi.