Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/110

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Madeleine

Je ne sais pas… c’est plus fort que moi… parce que vous n’êtes pas comme les autres… parce que vous êtes plus que les autres… Je ne vous comprends pas bien toujours… et vos paroles m’échappent quelquefois… mais je sens qu’elles sont belles… qu’elles sont justes… Maman était trop vieille… maman était trop lasse… pour sentir cela… comme moi…

Jean

Je ne suis rien de plus que les autres, Madeleine… je suis comme les autres… un pauvre diable comme les autres… Et j’ai bien de la tristesse… parce que j’ai vu trop de pays, trop de misères… Et je n’ai pas toujours la force et le courage que je voudrais avoir… Pourtant j’ai bien de la haine… là…

Madeleine

Je ne sais pas si vous avez de la haine… Vous êtes si bon pour mon père… si doux pour les petits et pour moi…

Jean

C’est vrai… Je vous aime bien… tous… Et je voudrais que vous fussiez heureux !…

Madeleine

Personne n’est heureux ici, mons… (Se reprenant sur un signe de Jean.) Jean…

Jean

Personne n’est heureux nulle part… (Il se lève et marche dans la pièce comme pour échapper à l’émotion qui le gagne.) Alors,