Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/153

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de peintre.) Est-elle belle !… quel accent… quel dessin !… quel… (Elle achève la phrase dans un geste. Puis elle se met à peindre… Silence.) Oh ! ces tons de vieil ivoire… ce visage creusé… ce décharnement… c’est exaltant… (Silence, au bout de quelques secondes, Geneviève fronce le sourcil, pose la palette sur ses genoux, devient plus attentive et grave.) Mais non, ce n’est pas cela du tout… Je ne sais pas ce qu’il y a aujourd’hui… je ne retrouve plus l’expression… Mère Cathiard, vous n’avez plus l’expression… Votre figure est dure et méchante, aujourd’hui… (Jeux de physionomie de la mère Cathiard.) Mais non… mais non… ce n’est pas cela… Vous n’êtes plus du tout dans le sentiment… Prenez une physionomie triste… très triste… Vous n’êtes pas méchante… vous êtes très triste… Rappelez-vous ce que je vous ai dit… Faites comme si vous aviez beaucoup de misère… beaucoup de chagrin… faites comme si vous pleuriez… (La physionomie de la mère Cathiard prend une expression sinistre. Elle dirige sur Geneviève comme des regards de louve. Robert, qui a suivi toute cette scène, se lève du divan.) Voyons… vous ne me comprenez pas ?… (Avec un peu d’impatience.) Comme si vous pleuriez… Ça n’est pourtant pas difficile… (L’intensité du regard de la vieille et sa fixité deviennent tellement gênantes que Geneviève tout à coup frissonne, se lève aussi et recule.) Pourquoi me regardez-vous ainsi ?… Vous ne m’avez jamais regardée ainsi… Est-ce que vous êtes malade ?…

Robert, intervenant, sévère.

Geneviève !…

Geneviève, agacée.

Que veux-tu, toi ?…

Robert

Tu es trop nerveuse… tu n’es pas en train de tra-