Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raient !… Tu les prenais sur tes genoux, tu les berçais, tu leur disais des choses si douces !… Et ils te souriaient, et ils s’endormaient, apaisés, heureux, dans tes bras ?… (Jean enlace Madeleine.) Eh ! bien… fais pour ceux qui vont venir ici… tout à l’heure… ce que tu faisais pour mes petits frères et pour moi… Et ils te souriront… et ils te suivront… jusqu’au sacrifice… jusqu’à la mort… en chantant !

Jean

Oh ! Madeleine !… Madeleine !… J’accepte tout ce ce qui peut arriver !… Quelques amertumes… quelques trahisons… quelques douleurs qui m’attendent encore… je ne me plaindrai plus… puisqu’il m’a été donné de rencontrer, un jour, sur mon chemin de misère, la joie immense et sublime de ton amour !… (Ils se serrent, s’embrassent.) Oh !… tes yeux… que j’y puise la force sainte… tes lèvres… que j’y boive le miracle !… (Ils restent enlacés quelques secondes.) Encore !… encore !… Si le jour pouvait ne plus se lever jamais sur l’ivresse d’une telle nuit !…

Madeleine, tout d’un coup, elle s’est levée.

Tais-toi !… tais-toi !… Écoute !… (Elle fait quelques pas écoutant.) J’entends des pas… j’entends des voix !… Ce sont eux !…

Jean se lève. Il se passe la main sur le front.

Jean

Allons ?…

Madeleine, revenant vers Jean.

Quoi qu’ils fassent, mon Jean, quoi qu’ils disent… sois bon… tu me l’as promis.