Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/218

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fouillais dans leurs poches… tu y trouverais peut-être de l’argent qui sent encore les doigts de Maigret !…

Jean

Tu te trompes, Pierre… Il y a ici des gens sans courage, oui !… Des traîtres !… je ne peux pas le croire….

Pierre Anseaume

Il y a des crapules partout !… Fais attention… Moi, je t’approuve… je suis pour toi… et je veille !…

Jean, serrant la main de Pierre.

Il y aussi de braves cœurs… Merci, camarade… j’ai toujours compté sur toi…


Les grévistes arrivent toujours : des hommes avec leurs tabliers de cuir et leurs chapeaux collés au crâne ; les autres en tenue des dimanches ; d’autres déguenillés. Il y a beaucoup de femmes, avec des fichus sur la tête ou de longues mantes noires, qui traînent des enfants ou les portent dans leurs bras. Figures hâves, décharnées, avec des marques de souffrance et de faim ; figures farouches aussi, toutes dans une pénombre qui ajoute à l’expression des visages un caractère impressionnant. Ils arrivent toujours, de droite, de gauche, de tous les côtés, débouchent de tous les chemins, de toutes les sentes. Ils se massent à droite et à gauche du Calvaire. Jean a gagné la plate-forme, et, debout, le dos appuyé au fût de la croix, pendant que la foule se masse et que Madeleine allume les lanternes, il attend, grave, le visage éclairé par leur pâle lumière. Des colloques s’établissent entre les grévistes. Un murmure de voix s’élève de la foule.


Joseph Bordes, dans un groupe de gauche.

Ah ! zut !… regarde-le… Il est rien pâle !

Jules Pacot

Il a peur… tiens !… Il ne fait plus le malin !… Il traque, quoi !…