Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/227

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visage qu’on appelle un politicien !… allez donc tuer cette chose qu’on appelle la politique !… cette chose glissante et fuyante que l’on croit tenir, et toujours vous échappe… que l’on croit morte et toujours recommence !… cette chose abominable, par quoi tout a été avili, tout corrompu, tout acheté, tout vendu !… justice, amour, beauté !… qui a fait de la vénalité des consciences, une institution nationale de la France… qui a fait pis encore, puisque de sa vase immonde elle a sali la face auguste du pauvre !… pis encore… puisqu’elle a détruit en vous le dernier idéal… la foi dans la Révolution !… (L’attitude énergique de Jean, les gestes, la force avec laquelle il a prononcé ces dernières paroles, imposent momentanément le silence. La foule recule, mais reste houleuse et grondante.) Comprenez-vous ce que j’ai voulu de vous… ce que je demande encore à votre énergie, à votre dignité… à votre intelligence ?… J’ai voulu… et je veux… que vous montriez, une fois… au monde des prébendiers politiques… cet exemple nouveau… fécond… terrible… d’une grève, faite… enfin… par vous seuls… pour vous seuls !… (Un temps.) Et si vous devez mourir encore, dans cette lutte que vous avez entreprise… sachez mourir… une fois… pour vous… pour vos fils… pour ceux-là qui naîtront de vos fils… non plus pour les thésauriseurs de votre souffrance… comme toujours !…

Grondements sourds, agitations ; les grévistes, encore dominés, se regardent, s’interrogent.
Philippe Hurteaux, il se dégage de la foule, encouragé par quelques grévistes et revient au pied du Calvaire.

Tout cela est très bien !… Et toi aussi, Jean Roule, tu parles comme un député… (Rires dans la foule.) Mais nous donneras-tu de l’argent ?… nous donneras-tu du pain ?…