Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/234

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triste, que vous avez connue, et que beaucoup d’entre vous ont tenue, toute petite, dans leurs bras !…

Un vieillard

Parle-nous encore… Ta voix nous est plus douce que le pain…

Madeleine

Et voilà comment vous le remerciez !… Vous lui réclamez de l’argent et du pain ?… Mais il en a moins que vous… puisque, chaque fois, il vous a donné sa part et la mienne !… Vous lui demandez d’où il vient ?… Que vous importe d’où il vient ?… puisque vous savez où il va !… Hélas !… mes pauvres enfants, il vient du même pays que vous… du même pays que tous ceux qui souffrent… de la misère… Et il va vers l’unique patrie de tous ceux qui espèrent… le bonheur libre !…

Émotion dans la foule ; les visages se détendent de plus en plus, et de plus en plus s’illuminent.
Voix nombreuses

Oui ! oui !… Parle encore !… parle encore…

Madeleine

Allez-y donc, vers cette patrie !… Jean connaît les chemins qui y mènent… Marchez… marchez avec lui… et non plus avec ceux dont les mains sont rouges du sang des pauvres !… Marchez !… La route sera longue et dure !… vous tomberez bien des fois sur vos genoux brisés… Qu’importe ?… Relevez-vous et marchez encore ! La justice est au bout !…

La foule

Oui !… oui !…