Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/253

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Maigret et les autres s’interposent, emmènent Hargand… À ce moment, entrent deux civières, portées chacune par deux porteurs. Du dehors, les porteurs crient : « Place ! place ! »



Scène V

Les mêmes, LES PORTEURS DE CIVIÈRES
Hargand s’élance, la foule des femmes se précipite, on entoure les civières. Maigret et les autres essaient de repousser la foule et protègent Hargand. Madeleine est frémissante. Elle marche, soutenue par les femmes, dans la direction des civières, d’où son regard ne peut se détacher.


Hargand, il a soulevé la toile de la première civière. Dans un grand cri.

Ah !… Robert !… mon fils !… (Il s’affaisse sur le cadavre de son fils.) Robert… Robert !…

Madeleine, s’avançant toujours.

Pauvre petit !… (Tout à coup, dans un violent effort, elle s’échappe aux mains des femmes et, trébuchante, hagarde, elle court vers l’autre civière, dont elle enlève aussi la toile.) Jean ! Toi !… toi !…


Elle tombe sur la civière, prend la tête de Jean, qu’elle soulève dans ses mains et qu’elle embrasse furieusement. Les femmes, voyant qu’il n’y a pas de morts pour elles, se retirent, s’éloignent, les autres sanglotent toujours sous le hangar. Cris et sanglots de Madeleine et de Hargand confondus. Hargand est entouré de Maigret et des employés de l’usine, de Madeleine, de la mère Cathiard et des femmes.


Madeleine, se redressant tout d’un coup, et portant les mains à son ventre.

Ne pleurez pas, vous autres, là-bas… Écoutez-moi… Il ne faut plus pleurer !… Mon enfant n’est pas mort !… Je l’ai senti remuer dans mon ventre… Il vit !… il vit !…