Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/17

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Elle s’ironise elle-même et plaisante exprès devant les domestiques qui savent toujours tout. Ils dînent tristement. On emporte la table. Heure des cigarettes, le feu tombe de plus en plus. Il fait triste, Germaine frissonne.

—  « Ah ! dit Daniel. Il ne peut tarder maintenant. Certainement, il va revenir d’un moment à l’autre, et je vais vous quitter. »

—  « Attendez encore un instant. » La porte s’ouvre, Jérôme est là.

Une bouffée de nuit froide semble, à sa suite, troubler l’atmosphère engourdie du petit salon. Daniel et Germaine tressaillent malgré eux. Avec Jérôme reviennent les rumeurs de la ville et le triste visage de la vie quotidienne sans miracle, ni rêve, contre laquelle on ne peut rien.

Il affiche une bonne humeur bruyante.

— « Bonsoir, dit-il, vous avez bien dîné, c’est très gentil. Ah ! Je t’ai beaucoup regrettée, Germaine, j’ai dansé avec une femme épatante, une professionnelle, son corps souple contre le mien, c’était très agréable, vraiment, dans ces conditions-là, la danse… »

Mais Germaine à son tour, comme piquée par une bête, se retourne dans sa robe souple,

— « Allez-vous-en, crie-t-elle, vous me dégoûtez, vous êtes grotesque. »

Il hausse les épaules et s’en va tranquillement. Daniel veut parler, dire qu’il part cette fois, mais Germaine l’arrête.

— « Cette situation ne peut durer. Vous êtes aussi lâches l’un que l’autre, mais vous voyez bien maintenant qu’il souffre et que votre présence l’importune. Allez lui parler, expliquez-vous, il faut que cette situation cesse. »

Daniel, à contre-cœur, va dans la chambre. Il voit Jérôme étendu sur le lit, un grand journal déplié devant son visage.

—  « Monsieur, dit-il. ».