Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/25

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— « Rentrons vite, dit-elle. J’ai hâte de vous voir dans une maison. Cette nuit m’a brisée, je suis odieusement lasse. Plaignez-moi, chéri, c’est vous. »

Elle ose le dire, sentant encore dans sa bouche les baisers de l’autre et, dans tout son corps, cette courbature. Mais Daniel ne peut savoir, il presse le pas, sa fièvre augmente avec son trouble. Il sent que quelque chose lui est promis en réparation des souffrances d’hier, et il entraîne son amie vers le divan du petit salon, parmi les fourrures, pour la première fois.

Ils sont entrés précipitamment.

— « Je ne suis pas là, crie Germaine à la femme de chambre.

Les lampes, sous leur grosse jupe, brûlent seules comme des sanctuaires, en compagnie du feu. Les livres, c’est toujours le même décor. On ne sait pas pourquoi il est empoisonné.

Germaine s’allonge sur le divan. Sa figure renversée sous la lumière paraît soudain moins jeune et comme usée de débauches. Une terrible fatigue fane les paupières et déjà les lèvres.

— « Venez », dit-elle.

Daniel s’étend près d’elle, l’enlace.

La première, la main à la nuque, elle lui prend les lèvres, elle le mord, puis abandonne sa bouche. Il y pénètre comme dans une rose humide et boit. Longtemps, elle le tient contre elle pendant ce baiser où il désaltère une soif d’aube, vraiment terrible. Elle voudrait s’écarter, le repousser. Elle n’en a ni la force, ni le réel désir. Il boit encore, mord, gémit, cherche, la reprend, puis enfin la délivre, écarte son visage. Alors, s’enfonçant davantage dans les coussins, elle le regarde, elle le regarde, car son expression, qu’elle ne connaît pas, est celle d’un dormeur encore plongé dans la nuit profonde, les yeux fermés, les paupières lourdes, si grave dans son