Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/35

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qu’elle voit son pauvre visage silencieux, mon Daniel, quand donc guériras-tu ? »

À ces mots il se révolte. Il s’agit bien de guérir en effet, quand le mal consiste à aimer sa souffrance.

Alors sur son ouvrage, la mère désespérée se penche un peu plus. Elle cache ses larmes, de peur de mettre en colère ce fils, devenu si dur, par l’amour d’une méchante femme.

Il s’enferme dans sa chambre, sort sur le balcon. Impossible évasion. Il contemple la nuit où monte cette lueur soufrée, la couronne lumineuse de la ville, rumeurs. Dans une fenêtre ouverte et vive comme un four, il voit deux ombres passer, puis on éteint la lampe. C’était loin, il ne sait plus où déjà.

Bientôt, les sept clous du Chariot vont percer les nuages, l’odeur nouvelle du sureau se dégage brusquement, dans une bouffée de vent qui passe sur le jardin.

Daniel, dans ses mains ouvertes, dans ses mains chaudes, laisse choir ses larmes comme les premières gouttes d’un orage.


Souvent, il attend Germaine, en compagnie de Thérèse. Thérèse coud ou bien écrit à son fiancé ; lui-même essaie de travailler.

— « Ce que nous écrivons, monsieur et moi, dit Thérèse. C’est un vrai bureau quand madame n’est pas là. »

Hélas ! Thérèse possède une petite montre dans sa ceinture. Elle la tire de temps à autre en bâillant, car il lui tarde de déshabiller sa maîtresse et de regagner son sixième.

— « Déjà onze heures. Déjà minuit, madame devrait être là. »

— « Attendez encore un moment », dit Daniel. Ils écoutent attentivement les bruits de la rue