Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/37

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elle peut partir, lui, arriver, ce qui est la même chose ; je ne la verrai plus. »

— « Il sait donc que tu es son amant ? »

— « Je ne suis pas le premier. Ils vivent indépendamment l’un de l’autre. Et puis, au fond, il sait très bien qu’elle n’aime que lui. Seulement, depuis son départ, il s’inquiète justement. Il est surpris de son insistance à rester à Paris. Il craint pour la première fois, dit-elle, qu’elle ne l’aime plus. Je sais bien, hélas, qu’elle l’aime toujours. »

— « Tu es jaloux, naturellement ? »

— « Elle fait tout pour cela. Tu n’imagines pas sa cruauté ; l’autre jour, devant moi qui étais bon pour changer les disques pendant qu’elle dansait, elle embrassa sur la bouche un garçon qu’on venait de lui présenter, mais qui lui plaisait, dit-elle, parce qu’il dansait merveilleusement. Ah ! je ne sais pas pourquoi je reste, car elle n’a pas de cœur à me donner. »

— « Mon pauvre Daniel, essaie de la tromper. »

« Hélas, pense-t-il, tu ignores combien, je suis atteint », et il dit fièrement :

— « Je n’ai pas attendu ton conseil. » Affreux mensonge, dont il reste toute la soirée consterné, tant il craint qu’on ne le répète à Germaine.

Et le Champagne lui paraît bien amer, qu’ils boivent debout, serrés contre les figurantes du dernier acte, au bar du petit théâtre.

L’une d’elles lui sourit intensivement, de ses lèvres au carmin liquide.

À minuit, fou d’amour, il remonte Les Champs-Élysées, sonne chez Germaine, qui lui avait dit de venir, et ne lui ouvre pas.