Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Daniel l’a comblé de ses convictions détruites, de son amour ridicule, de ses larmes. Beau romantisme, en vérité, il s’agit d’être à la taille. « Tout est jeu » dit-elle, la fête commence.

Daniel s’y jette. On dirait plutôt un suicide. Au bout de quelques nuits bruyantes, à base de champagne et de cocaïne, il est pourvu d’une maîtresse. Une charmante petite danseuse qui ne demandait pas mieux. Elle est jeune, pas bête, travaille ses pointes en tutu bien raide comme dans les toiles de Degas et lui dit, toutes les cinq minutes : « Je t’aime bien, mon chou ». Évidemment, c’est un contraste. Il eut du chagrin la première fois. Elle vint un dimanche, en plein jour, chez lui. La veille, il l’avait embrassée, un peu grisés tous deux et cela lui avait paru facile, mais le lendemain, quand professionnellement, elle se dévêtit pour ne pas froisser sa robe et s’étendit sur le divan, Daniel n’eut pas le courage. « Ah, se dit-il, Germaine, il faut donc encore cela pour assassiner définitivement mon amour et être à ta mesure » et il prit la petite danseuse qui attendait, un grand sourire fixé sur son visage, sans aucun plaisir, uniquement pour effacer en lui l’empreinte trop grave de sa maîtresse.

Le soir même il passait aux Champs-Élysées, le crépuscule tombait tristement. Il se cogna dans Germaine.

Inévitables, ils étaient face à face sur le même trottoir, presque au seuil de sa maison. Daniel en sentit le ridicule et fut immédiatement furieux d’être surpris par elle, en pèlerinage.

Elle reprit vite conscience de la nouvelle situation, et gaiement tendit sa main claire, dégantée.

— « Bonjour ! »

— « Je ne vous savais pas à Paris, dit-il. Qu’y faites-vous ? »

— « J’y passe et vous, dans ma rue, vous veniez me voir.