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Daniel. Il faudrait mettre en ordre les poèmes que tu as écrits pour moi, je t’aiderais. »

Le mirage le reprend un instant, va-t-il retomber. Qu’elle est forte, que son âme est souple et comme ils se comprennent. Mais aussi, quelle entrave. Il secoue les épaules. Va-t-on, à force de rêves, lui repasser le joug.

Le crépuscule vient tôt en hiver.

Il fait sombre dans cette pièce où brasille le feu rose. Oui, peut-être serait-il plus facile de rester, de s’abandonner au sort.

— « Tu redoutes donc la souffrance » lui souffle-t-elle au visage. Elle est contre lui, ses mains à sa nuque comme autrefois.

— « Tu as peur, dis, tu as peur, tu es donc devenu lâche. Autrefois tu ne redoutais rien et je ne t’épargnais rien. Tu aimes donc le confort, la fidélité, l’habitude. Tu es donc devenu lâche, mon Daniel. Tu aimerais le bonheur où l’on s’étiole. Quelle prison, le bonheur. Songe donc, vivre heureux, c’est renoncer à soi-même. Certes, moi je n’essaierai pas de te rendre heureux, mais tu le serais, Daniel, par l’amour. Souviens-toi. Mon amour est celui qui dit : fais-moi toujours plus mal. »

Penchée sur lui, elle le serre faisant, comme une bête instinctive, son corps plus tiède, plus souple.

— « Daniel, dis oui, mon amour. »

Il renverse en arrière sa tête. Encore un peu d’air. Il veut éviter ce baiser, il veut vivre. Va-t-il crier. Non, car Germaine rapide et intelligente resserre son étreinte, l’embrasse, l’embrasse, il est sans défense.

— « Oui, dit-il, à Côme je viendrai, je te le jure, oui tu es mon seul amour, regarde. »

Il veut lui montrer ses yeux, il veut, sincère et pris à son propre jeu, lui montrer dans ses