Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/200

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Célimène
Qu’injustement de lui vous prenez de l’ombrage !

490Ne savez-vous pas bien pourquoi je le ménage ;
Et que dans mon procès, ainsi qu’il m’a promis,
Il peut intéresser tout ce qu’il a d’amis ?

Alceste
Perdez votre procès, madame, avec constance,

Et ne ménagez point un rival qui m’offense.

Célimène
495Mais de tout l’univers vous devenez jaloux.


Alceste
C’est que tout l’univers est bien reçu de vous.


Célimène
C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,

Puisque ma complaisance est sur tous épanchée ;
Et vous auriez plus lieu de vous en offenser,
500Si vous me la voyiez sur un seul ramasser.

Alceste
Mais moi, que vous blâmez de trop de jalousie,

Qu’ai-je de plus qu’eux tous, madame, je vous prie ?

Célimène
Le bonheur de savoir que vous êtes aimé.


Alceste
Et quel lieu de le croire a mon cœur enflammé ?


Célimène
505Je pense qu’ayant pris le soin de vous le dire,

Un aveu de la sorte a de quoi vous suffire.

Alceste
Mais qui m’assurera que, dans le même instant,

Vous n’en disiez, peut-être, aux autres tout autant ?

Célimène
Certes pour un amant la fleurette est mignonne ;

510Et vous me traitez là de gentille personne.
Hé bien ! pour vous ôter d’un semblable souci,
De tout ce que j’ai dit je me dédis ici ;
Et rien ne saurait plus vous tromper que vous-même :
Soyez content.


    Un compliment sur sa mantille,
    Et des bonbons à la vanille
    Par un beau soir de carnaval.
    (Alfred de Musset.)