Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/116

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m’a mise dans une colère effroyable. J’enrage de monsieur de Pourceaugnac. Quand il n’y auroit que ce nom-là, monsieur de Pourceaugnac, j’y brûlerai mes livres, ou je romprai ce mariage ; et vous ne serez point madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac ! cela se peut-il souffrir ? Non, Pourceaugnac est une chose que je ne saurois supporter ; et nous lui jouerons tant de pièces, nous lui ferons tant de niches sur niches, que nous renverrons[1] à Limoges monsieur de Pourceaugnac.

ÉRASTE.

Voici notre subtil Napolitain, qui nous dira des nouvelles.


Scène IV.

JULIE, ÉRASTE, SBRIGANI, NÉRINE.
SBRIGANI.

Monsieur, votre homme arrive. Je l’ai vu à trois lieues d’ici, où a couché le coche ; et, dans la cuisine, où il est descendu pour déjeuner, je l’ai étudié une bonne grosse demi-heure, et je le sais déjà par cœur. Pour sa figure, je ne veux point vous en parler : vous verrez de quel air la nature l’a dessinée, et si l’ajustement qui l’accompagne y répond comme il faut ; mais, pour son esprit, je vous avertis, par avance, qu’il est des plus épais qui se fassent ; que nous trouvons en lui une matière tout à fait disposée pour ce que nous voulons, et qu’il est homme enfin à donner dans tous les panneaux qu’on lui présentera.

ÉRASTE.

Nous dis-tu vrai ?

SBRIGANI.

Oui, si je me connois en gens.

NÉRINE.

Madame, voilà un illustre. Votre affaire ne pouvoit être mise en de meilleures mains, et c’est le héros de notre siècle pour les exploits dont il s’agit ; un homme qui, vingt fois en sa vie, pour servir ses amis, a généreusement affronté les galères, qui, au péril de ses bras et de ses épaules, sait mettre noblement à fin les aventures les plus difficiles, et qui, tel que vous le voyez, est exilé de son pays pour je ne sais combien d’actions honarables qu’il a généreusement entreprises.

  1. Var. Que nous renvoierons, etc.