Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/174

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Si je suis maintenant ma juste impatience,
On dira que je cède à la difficulté ;
Que je me trouve à bout de ma subtilité :
Et que deviendra lors cette publique estime
Qui te vante partout pour un fourbe sublime,
Et que tu t’es acquise en tant d’occasions,
À ne t’être jamais vu court d’inventions ?
L’honneur, ô Mascarille, est une belle chose !
À tes nobles travaux ne fait aucune pause ;
Et quoi qu’un maître ait fait pour te faire enrager,
Achève pour ta gloire, et non pour l’obliger.
Mais quoi ! Que ferais-tu, que de l’eau toute claire ?
Traversé sans repos par ce démon contraire,
Tu vois qu’à chaque instant il te fait déchanter,
Et que c’est battre l’eau de prétendre arrêter
Ce torrent effréné, qui de tes artifices
Renverse en un moment les plus beaux édifices.
Eh bien ! pour toute grâce, encore un coup du moins,
Au hasard du succès sacrifions des soins ;
Et s’il poursuit encore à rompre notre chance,
J’y consens, ôtons-lui toute notre assistance.
Cependant notre affaire encor n’irait pas mal,
Si par là nous pouvions perdre notre rival,
Et que Léandre enfin, lassé de sa poursuite,
Nous laissât jour entier pour ce que je médite.
Oui, je roule en ma tête un trait ingénieux,
Dont je promettrais bien un succès glorieux,
Si je puis n’avoir plus cet obstacle à combattre.
Bon, voyons si son feu se rend opiniâtre.



Scène 2


Léandre, Mascarille

Mascarille

Monsieur, j’ai perdu temps, votre homme se dédit.

Léandre

De la chose lui-même il m’a fait un récit ;
Mais c’est bien plus : j’ai su que tout ce beau mystère
D’un rapt d’Egyptiens, d’un grand seigneur pour père,
Qui doit partir d’Espagne et venir en ces lieux,