Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/213

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Pour tâcher de trouver un biais salutaire,
Et vous dirai bientôt ce qui se pourra faire.


Scène 13


Hippolyte, Célie

Hippolyte

Depuis votre séjour, les dames de ces lieux
Se plaignent justement des larcins de vos yeux,
Si vous leur dérobez leurs conquêtes plus belles
Et de tous leurs amants faites des infidèles :
il n’est guère de cœurs qui puissent échapper
Aux traits dont à l’abord vous savez les frapper ;
Et mille libertés, à vos chaînes offertes,
Semblent vous enrichir chaque jour de nos pertes.
Quant à moi, toutefois, je ne me plaindrais pas
Du pouvoir absolu de vos rares appas,
Si, lorsque mes amants sont devenus les vôtres,
Un seul m’eût consolé de la perte des autres :
Mais qu’inhumainement vous me les ôtiez tous,
C’est un dur procédé dont je me plains à vous.

Célie

Voilà d’un air galant faire une raillerie ;
Mais épargnez un peu celle qui vous en prie.
Vos yeux, vos propres yeux se connaissent trop bien,
Pour pouvoir de ma part redouter jamais rien ;
Ils sont fort assurés du pouvoir de leurs charmes,
Et ne prendront jamais de pareilles alarmes.

Hippolyte

Pourtant en ce discours je n’ai rien avancé
Qui dans tous les esprits ne soit déjà passé ;
Et sans parler du reste, on sait bien que Célie
A causé des désirs à Léandre et Lélie.

Célie

Je crois qu’étant tombés dans cet aveuglement,
Vous vous consoleriez de leur perte aisément,
Et trouveriez pour vous l’amant peu souhaitable
Qui d’un si mauvais choix se trouverait capable.

Hippolyte

Au contraire, j’agis d’un air différent,
Et trouve en vos beautés un mérite si grand ;
J’y vois tant de raisons capables de défendre