Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/325

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fait que sortir d’une maladie qui lui a rendu le visage pâle comme vous le voyez[1].

Jodelet

Ce sont fruits des veilles de la cour et des fatigues de la guerre.

Mascarille

Savez-vous, mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des plus vaillants hommes du siècle ? C’est un brave à trois poils.

Jodelet

Vous ne m’en devez rien, Marquis ; et nous savons ce que vous savez faire aussi.

Mascarille

Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l’occasion.

Jodelet

Et dans des lieux où il faisoit fort chaud.

Mascarille, regardant Cathos et Madelon.

Oui ; mais non pas si chaud qu’ici. Hai, hai, hai.

Jodelet

Notre connoissance s’est faite à l’armée ; et la première fois que nous nous vîmes, il commandoit un régiment de cavalerie sur les galères de Malte.

Mascarille

Il est vrai ; mais vous étiez pourtant dans l’emploi avant que j’y fusse ; et je me souviens que je n’étois que petit officier encore, que vous commandiez deux mille chevaux.

Jodelet

La guerre est une belle chose ; mais, ma foi, la cour récompense bien mal aujourd’hui les gens de service comme nous.

Mascarille

C’est ce qui fait que je veux pendre l’épée au croc.

Cathos

Pour moi, j’ai un furieux tendre pour les hommes d’épée.

  1. L’acteur a qui Molière avait confié ce rôle étoit d’une extrême pâleur, il se nommoit Brécourt, et réussissait également dans la tragédie et la comédie ; il excellait surtout dans les Jodelets. Ainsi Molière, en lui donnant ce nom, fait allusion à son talent, comme il fait ici allusion à la pâleur de son visage, et un peu plus loin à sa bravoure, qui étoit très grande. (Aimé Martin.)