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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

tous les tragiques de ce temps-là furent-ils auteurs de comédies. »

Un seul écrivain, Pierre de Larivey, astrologue et chanoine de Saint-Étienne de Troyes, qui vivait dans la seconde moitié du seizième siècle, mérite véritablement, à cette époque, le nom d’auteur comique, et ce qui justifie cet éloge, c’est qu’il a été imité par Molière et Regnard. Larivey composa douze comédies, dont la plus célèbre est celle des Esprits, qu’on peut regarder comme la meilleure de notre vieux répertoire, après la farce de Patelin. On y trouve une grande entente de la scène, beaucoup d’esprit, des situations comiques ; mais, comme la plupart des pièces du seizième siècle, elle est souillée par l’effronterie des mœurs, et Larivey sentait si bien combien il était coupable sous ce rapport, que dans l’une de ses préfaces il cherche à s’excuser en disant que « pour bien exprimer les façons et affections du jourd’hui, il faudroit que les actes et les paroles fussent la lascivité même. »

L’école classique de Jodelle et de Garnier fit place, sous le règne de Henri IV, à une école nouvelle plus aventureuse, qui donna à la fantaisie une place beaucoup plus grande, et qui eut pour fondateur Alexandre Hardi. « À cette époque, dit Suard, il se forma à Paris deux troupes de comédiens : l’une, en 1598, loua le privilége des confrères de la Passion, et c’est celle-là qui depuis, toujours renouvelée et jamais dissoute, s’est perpétuée jusqu’à nos jours sous le nom de Comédie-Française ; l’autre, en 1600, s’établit au Marais, à l’hôtel d’Argent, et donna des représentations trois fois par semaine. » C’est pour cette troupe, dont il était l’un des acteurs, qu’Alexandre Hardi composa ses huit cents pièces de théâtre. Quarante et une seulement ont été jouées et sont arrivées jusqu’à nous. Tous les genres, tous les styles, tous les tons se confondent dans le théâtre de Hardi. Il prend ses sujets dans les âges héroïques de l’antiquité, dans les mœurs de la bourgeoisie parisienne, dans les romans espagnols, dans les contes italiens. Il imite, il invente ; il est tout à la fois classique et romantique ; il fait des tragédies morales, des bergeries, des tragi-comédies, des martyres, des journées, etc. La meilleure de ses tragédies