Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et que si des destins la fatale puissance
M’ôte la liberté d’être sa récompense,
Au moins est-il en moi de promettre à ses vœux
Qu’on ne me verra point le butin de vos feux.
Et sans vous amuser d’une attente frivole,
C’est à quoi je m’engage, et je tiendrai parole.
Voilà mon cœur ouvert, puisque vous le voulez,
Et mes vrais sentiments à vos yeux étalés.
Étes-vous satisfait, et mon âme attaquée,
S’est-elle à votre avis assez bien expliquée ?
Voyez, pour vous ôter tout lieu de soupçonner,
S’il reste quelque jour encore à vous donner.
Cependant, si vos soins s’attachent à me plaire,
Songez que votre bras, Comte, m’est nécessaire ;
Et d’un capricieux quels que soient les transports,
Qu’à punir nos tyrans, il doit tous ses efforts.
Fermez l’oreille, enfin, à toute sa furie,
Et pour vous y porter, c’est moi qui vous en prie.


Scène 4

Dom Garcie, Dom Sylve.

Dom Garcie
Tout vous rit, et votre âme en cette occasion
Jouit superbement de ma confusion ;
Il vous est doux de voir un aveu plein de gloire
Sur les feux d’un rival marquer votre victoire ;
Mais c’est à votre joie un surcroît sans égal,
D’en avoir pour témoins les yeux de ce rival ;
Et mes prétentions hautement étouffées
À vos vœux triomphants sont d’illustres trophées.
Goûtez à pleins transports ce bonheur éclatant,
Mais sachez qu’on n’est pas encore où l’on prétend.
La fureur qui m’anime a de trop justes causes,
Et l’on verra peut-être arriver bien des choses.
Un désespoir va loin quand il est échappé,