Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/455

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mais surtout
songez que le temps presse, et que deux coeurs qui
s’aiment doivent s’entendre à demi-mot. »

Ergaste
Hé bien ! Monsieur, le tour est-il d’original ?
Pour une jeune fille, elle n’en sait pas mal !
De ces ruses d’amour la croiroit-on capable ?

Valère
Ah ! Je la trouve là tout à fait adorable.
Ce trait de son esprit et de son amitié
Accroît pour elle encor mon amour de moitié ;
Et joint aux sentiments que sa beauté m’inspire…

Ergaste
La dupe vient ; songez à ce qu’il vous faut dire.


Scène 6

Sganarelle
Oh ! Trois et quatre fois béni soit cet édit
Par qui des vêtements le luxe est interdit !
Les peines des maris ne seront plus si grandes,
Et les femmes auront un frein à leurs demandes.
Oh ! Que je sais au roi bon gré de ces décris !
Et que, pour le repos de ces mêmes maris,
Je voudrais bien qu’on fît de la coquetterie
Comme de la guipure et de la broderie !
J’ai voulu l’acheter, l’édit, expressément,
Afin que d’Isabelle il soit lu hautement ;
Et ce sera tantôt, n’étant plus occupée,
Le divertissement de notre après-soupée.
Envoirez-vous encor, monsieur aux blonds cheveux,
Avec des boîtes d’or des billets amoureux ?
Vous pensiez bien trouver quelque jeune coquette,
Friande de l’intrigue, et tendre à la fleurette ?
Vous voyez de quel air on reçoit vos joyaux :
Croyez-moi, c’est tirer votre poudre aux moineaux.
Elle est sage, elle m’aime, et votre amour l’outrage :
Prenez visée ailleurs, et troussez-moi bagage.

Valère