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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

offrit, dit-on, à l’auteur de l’attacher à sa personne en qualité de secrétaire. Cette offre ne fut point acceptée, et Molière continua de courir la province. Il resta en Languedoc en 1656 et 1657, passa le carnaval de 1658 à Grenoble, vint ensuite s’établir à Rouen, et ce fut pendant son séjour dans cette ville qu’il obtint par la protection du prince de Conti, et plus probablement encore par celle du duc d’Orléans, l’autorisation de venir jouer à Paris devant la cour.

Molière avait alors trente-six ans. Sa vie jusque-là s’était partagée tout entière entre l’art et l’amour. En entrant, en 1645, dans la troupe de l’Illustre Théâtre, il s’était lié avec une actrice fille d’un procureur au Chatelet, Madeleine Béjart, née en 1620[1] environ, Cette actrice, qui jouait avec un grand succès les rôles de soubrette, exerça une sorte de fascination sur le poëte, dont les passions étaient vives et profondes, mais qui, au milieu de sa vie nomade, gardait encore dans son cœur place pour d’autres amours. Sans parler d’une aventure arrivée à Pézénas, et dans laquelle Molière aurait été obligé de sauter par une fenêtre pour échapper à la colère d’un mari, on assure qu’il chercha des distractions auprès de mademoiselle du Parc, et que, repoussé par cette dernière, il se consola de son échec en aimant, sans rompre toutefois avec Madeleine Béjart, Catherine Leclerc, femme d’Edme Wilquin, connue au théâtre sous le nom de mademoiselle de Brie, actrice consommée, belle de taille et de figure, et qui, à l’âge de soixante-cinq ans, jouait encore le rôle d’Agnès avec toutes les apparences de la jeunesse et de l’ingénuité, ce qui donna lieu aux vers que voici :

Il faut qu’elle ait été charmante,
Puisque aujourd’hui, malgré ses ans,
À peine des attraits naissants
Égalent sa beauté mourante.

  1. Madeleine Béjart mourut en février 1672, un an avant Molière.