Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/318

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Se vit bientôt changée en trop de bienveillance ;
Dans ce naissant amour qui flattoit vos désirs,
Vous ne vous figuriez que joie et que plaisirs :
Cependant vous voyez la cruelle disgrâce
Dont, en ce triste jour, le destin vous menace,
Et la peine mortelle où vous voilà réduit !
Ah, mon cœur ! ah, mon cœur ! je vous l’avois bien dit.
Mais tenons, s’il se peut, notre douleur couverte :
Voici…


Scène III.


MYRTIL, MÉLICERTE.


MYRTIL.

Voici…J’ai fait tantôt, charmante Mélicerte,
Un petit prisonnier que je garde pour vous,
Et dont peut-être un jour je deviendrai jaloux.
C’est un jeune moineau, qu’avec un soin extrême
Je veux, pour vous l’offrir, apprivoiser moi-même.
Le présent n’est pas grand ; mais les divinités
Ne jettent leurs regards que sur les volontés.
C’est le cœur qui fait tout[1] ; et jamais la richesse
Des présents que… Mais, Ciel ! d’où vient cette tristesse ?
Qu’avez-vous, Mélicerte, et quel sombre chagrin
Seroit dans vos beaux yeux répandu ce matin ?
Vous ne répondez point ; et ce morne silence
Redouble encor ma peine et mon impatience.
Parlez, de quel ennui ressentez-vous les coups ?
Qu’est-ce donc ?

MÉLICERTE.

Qu’est-ce donc ? Ce n’est rien.

MYRTIL.

Qu’est-ce donc ? Ce n’est rien.Ce n’est rien, dites-vous ?
Et je vois cependant vos yeux couverts de larmes.
Cela s’accorde-t-il, beauté pleine de charmes ?
Ah ! ne me faites point un secret dont je meurs,
Et m’expliquez, hélas ! ce que disent ces pleurs.

  1. Dix-neuf après la première représentation de Mélicerte, et trois ans après sa publication, La Fontaine a dit :


    Ces mets, nous l’avouons, sont peu délicieux ;
    Mais, quand nous serions rois, que donner à des dieux ?
    C’est le cœur qui fait tout… (Philémon et Beaucis)