Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/359

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Ah ! seigneur cavalier, sauvez-moi, s’il vous plaît, des mains d’un mari furieux dont je suis poursuivie. Sa jalousie est incroyable, et passe, dans ses mouvements, tout ce qu’on peut imaginer. Il va jusques à vouloir que je sois toujours voilée ; et pour m’avoir trouvée le visage un peu découvert, il a mis l’épée à la main, et m’a réduite à me jeter chez vous, pour vous demander votre appui contre son injustice. Mais je le vois paroître. De grâce, seigneur cavalier, sauvez-moi de sa fureur.

Dom Pèdre

Entrez là dedans avec elle, et n’appréhendez rien.

Scène XV

Adraste, Dom Pèdre

Dom Pèdre

Hé quoi ? seigneur, c’est vous ? Tant de jalousie pour un François ? Je pensois qu’il n’y eût que nous qui en fussions capables.

Adraste

Les François excellent toujours dans toutes les choses qu’ils font ; et quand nous nous mêlons d’être jaloux, nous le sommes vingt fois plus qu’un Sicilien. L’infâme croit avoir trouvé chez vous un assuré refuge ; mais vous êtes trop raisonnable pour blâmer mon ressentiment. Laissez-moi, je vous prie, la traiter comme elle mérite.

Dom Pèdre

Ah ! de grâce, arrêtez. L’offense est trop petite pour un courroux si grand.

Adraste

La grandeur d’une telle offense n’est pas dans l’importance des choses que l’on fait : elle est à transgresser les ordres qu’on nous donne ; et sur de pareilles matières, ce qui n’est qu’une bagatelle devient fort criminel lorsqu’il est défendu.

Dom Pèdre

De la façon qu’elle a parlé, tout ce qu’elle en a fait a été sans dessein ; et je vous prie enfin de vous remettre bien ensemble.