Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/369

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ment défendue ; et considérant d’ailleurs que, dans un temps où ce grand monarque expose si librement sa vie pour le bien de son État, et où notre principal soin est d’exhorter tous les gens de bien de notre diocèse à faire des prières continuelles pour la conservation de sa personne sacrée et pour le succès de ses armes, il y aurait de l’impiété de s’occuper à des spectacles capables d’attirer la colère du ciel ; avons fait et faisons très-expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de notre diocèse de représenter, lire ou entendre réciter la susdite comédie, soit publiquement, soit en particulier, sous quelque nom et quelque prétexte que ce soit, et ce sous peine d’excommunication.

» Si mandons aux archiprêtres de Sainte-Marle-Magdelaine et de Saint-Severin de vous signifier la présente ordonnance, que vous publierez en vos prônes aussitôt que vous l’aurez reçue, en faisant connaître à tous vos paroissiens combien il importe à leur salut de ne point assister à la représentation ou lecture de la susdite ou semblables comédies. Donné à Paris sous le sceau de nos armes, ce onzième août mil six cent soixante-sept. »

Deux ans après la publication de ce mandement, Bourdaloue, dans le Sermon sur l’hypocrisie, lançait contre Tartuffe de nouveaux anathèmes, et sans nommer la pièce, il la désignait en termes tellement précis, qu’il était impossible de se méprendre :

« Et Voilà, chrétiens, dit Bourdaloue, ce qui est arrivé lorsque des esprits profanes, et bien éloignés de vouloir entrer dans les intérêts de Dieu, ont entrepris de censurer l’hypocrisie… Voilà ce qu’ils ont prétendu, exposant sur le théâtre et à la risée publique un hypocrite imaginaire, ou même, si vous voulez, un hypocrite réel, et tournant dans sa personne les choses les plus saintes en ridicule, la crainte des jugements de Dieu, l’horreur du péché, les pratiques les plus louables en elles-mêmes et les plut chrétiennes. Voilà ce qu’ils ont affecté, mettant dans la bouche de cet hypocrite des maximes de religion faiblement soutenues, en même temps qu’ils les supposaient fortement attaquées ; lui faisant blâmer les scandales du siècle d’une manière extravagante ; le représentant consciencieux jusqu’à la délicatesse et au scrupule sur des points moins importants, où toutefois il le faut être, pendant qu’il se portait d’ailleurs aux crimes les plus énormes ; le montrant sous un visage de pénitent, qui ne servait qu’à couvrir ses infamies ; lui donnant, selon leur caprice, un caractère de piété la plus austère, ce semble, et la plus exemplaire, mais, dans le fond, la plus mercenaire et la plus lâche.

» Damnables inventions pour humilier les gens de bien, pour les rendre tous suspects, pour leur ôter la liberté de se déclarer en faveur de la vertu !… »