Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/405

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Dorine
Voulez-vous qu’il y coure à vos heures précises,

Comme ceux qui n’y vont que pour être aperçus ?

Orgon
Je ne demande pas votre avis là-dessus.

Enfin, avec le ciel l’autre est le mieux du monde,
530Et c’est une richesse à nulle autre seconde.
Cet hymen de tous biens comblera vos désirs,
Il sera tout confit en douceurs et plaisirs.
Ensemble vous vivrez, dans vos ardeurs fidèles,
Comme deux vrais enfants, comme deux tourterelles :
535À nul fâcheux débat jamais vous n’en viendrez ;
Et vous ferez de lui tout ce que vous voudrez.

Dorine
Elle ? elle n’en fera qu’un sot, je vous assure[1].


Orgon
Ouais ! quels discours !


Dorine
Ouais ! quels discours ! Je dis qu’il en a l’encolure

Et que son ascendant, monsieur, l’emportera
540Sur toute la vertu que votre fille aura.

Orgon
Cessez de m’interrompre, et songez à vous taire,

Sans mettre votre nez où vous n’avez que faire.

Dorine, elle l’interrompt toujours au moment où il se retourne pour parler à sa fille.
Je n’en parle, monsieur, que pour votre intérêt.


Orgon
C’est prendre trop de soin ; taisez-vous, s’il vous plaît.


Dorine
545Si l’on ne vous aimait…


Orgon
Si l’on ne vous aimait… Je ne veux pas qu’on m’aime.


Dorine
Et je veux vous aimer, monsieur, malgré vous-même.


Orgon
Ah !
  1. Un mari qui se laisse tromper et gouverner par sa femme est réputé partout de cornes, cornu, cornard ; c’est par cette raison que cocu, cornard et sot sont synonymes.
    (Voltaire)