Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/418

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Valère, se tournant vers Mariane.
785Mais ne faites donc point les choses avec peine ;

Et regardez un peu les gens sans nulle haine.
(Mariane se tourne du côté de Valère en lui souriant.)

Dorine
À vous dire le vrai, les amants sont bien fous !


Valère, à Mariane.
Oh çà ! n’ai-je pas lieu de me plaindre de vous ?

Et, pour n’en point mentir, n’êtes vous pas méchante
790De vous plaire à me dire une chose affligeante ?

Mariane
Mais vous, n’êtes-vous pas l’homme le plus ingrat…


Dorine
Pour une autre saison laissons tout ce débat,

Et songeons à parer ce fâcheux mariage.

Mariane
Dis-nous donc quels ressorts il faut mettre en usage.


Dorine
795Nous en ferons agir de toutes les façons.

(À Mariane.)
Votre père se moque,
Votre père se moque,(À Valère.)
Votre père se moque, et ce sont des chansons.
(À Mariane.)
Mais, pour vous, il vaut mieux qu’à son extravagance
D’un doux consentement vous prêtiez l’apparence,
Afin qu’en cas d’alarme il vous soit plus aisé
800De tirer en longueur cet hymen proposé.
En attrapant du temps, à tout on remédie.
Tantôt vous payerez de quelque maladie
Qui viendra tout à coup, et voudra des délais ;
Tantôt vous payerez de présages mauvais ;
805Vous aurez fait d’un mort la rencontre fâcheuse,
Cassé quelque miroir, ou songé d’eau bourbeuse :
Enfin, le bon de tout, c’est qu’à d’autres qu’à lui
On ne vous peut lier que vous ne disiez oui.
Mais, pour mieux réussir, il est bon, ce me semble,
810Qu’on ne vous trouve point tous deux parlant ensemble.
(À Valère.)
Sortez ; et, sans tarder, employez vos amis,

    vant, où ces colères amoureuses naissent de quelques tromperies faites par un tiers, la plupart du temps derrière le théâtre ; au lieu qu’ici elles naissent divinement, à la vue des spectateurs, et de la délicatesse et de la force de la passion même. »