Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/472

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Vous en savez plus que moi,
Et, pour accepter l’emploi,
J’en veux croire vos lumières.

Mercure.

Hé ! la, la, madame la Nuit,
Un peu doucement, je vous prie ;
Vous avez dans le monde un bruit[1]
De n’être pas si renchérie.
On vous fait confidente, en cent climats divers,
De beaucoup de bonnes affaires ;
Et je crois, à parler à sentiments ouverts,
Que nous ne nous en devons guères.

La Nuit.

Laissons ces contrariétés,
Et demeurons ce que nous sommes.
N’apprêtons point à rire aux hommes,
En nous disant nos vérités.

Mercure.

Adieu. Je vais là-bas, dans ma commission,
Dépouiller promptement la forme de Mercure,
Pour y vêtir la figure
Du valet d’Amphitryon.

La Nuit.

Moi, dans cet hémisphère, avec ma suite obscure,
Je vais faire une station.

Mercure.

Bonjour, la Nuit.

La Nuit.

Bonjour, la Nuit.Adieu, Mercure[2].


Mercure descend de son nuage, et la Nuit traverse le théâtre.


fin du prologue.
  1. Bruit pour réputation, rumor, fama.
  2. Molière, après avoir vu qu’il ne pouvait tirer aucun parti du prologue de Plaute, ne recourut point à Lucien, comme l’a dit Bayle. Ce fut dans la scène première du premier acte del’Amphitryon latin qu’il puisa la fable charmante du sien. Mercure, déjà sous la forme de Sosie, s’adresse à la Nuit, et l’invite à continuer de ralentir sa marche pour prolonger les plaisirs de Jupiter ; et il assure la déesse de la reconnaissance du maître des dieux :

    Porge, Nox, ut occœpisti : gere patri morem meo.
    Optume, optumo, optumam operam das ; data pulchre locas
    (Bret.)