Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/517

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Tous deux ils sont peints à mes yeux :
Tous deux sont criminels, tous deux m’ont offensée,
Et tous deux me sont odieux.

Jupiter
Hé bien ! puisque vous le voulez,
Il faut donc me charger du crime.
Oui, vous avez raison lorsque vous m’immolez
À vos ressentiments en coupable victime ;
Un trop juste dépit contre moi vous anime,
Et tout ce grand courroux qu’ici vous étalez
Ne me fait endurer qu’un tourment légitime ;
C’est avec droit que mon abord vous chasse,
Et que de me fuir en tous lieux
Votre colère me menace :
Je dois vous être un objet odieux,
Vous devez me vouloir un mal prodigieux ;
Il n’est aucune horreur que mon forfait ne passe,
D’avoir offensé vos beaux yeux.
C’est un crime à blesser les hommes et les Dieux,
Et je mérite enfin, pour punir cette audace,
Que contre moi votre haine ramasse
Tous ses traits les plus furieux.
Mais mon cœur vous demande grâce ;
Pour vous la demander je me jette à genoux,
Et la demande au nom de la plus vive flamme,
Du plus tendre amour dont une âme
Puisse jamais brûler pour vous.
Si votre cœur, charmante Alcmène,
Me refuse la grâce où j’ose recourir,
Il faut qu’une atteinte soudaine
M’arrache, en me faisant mourir,
Aux dures rigueurs d’une peine
Que je ne saurais plus souffrir.
Oui, cet état me désespère :
Alcmène, ne présumez pas
Qu’aimant comme je fais vos célestes appas,
Je puisse vivre un jour avec votre colère.
Déjà de ces moments la barbare longueur
Fait sous des atteintes mortelles
Succomber tout mon triste cœur ;
Et de mille vautours les blessures cruelles