Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/552

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Que veut dire cela, mon gendre ?

George Dandin
Cela veut dire que votre fille ne vit pas comme il faut qu’une femme vive, et qu’elle fait des choses qui sont contre l’honneur.

Madame de Sotenville
Tout beau ! prenez garde à ce que vous dites. Ma fille est d’une race trop pleine de vertu, pour se porter jamais à faire aucune chose dont l’honnêteté soit blessée ; et de la maison de la Prudoterie il y a plus de trois cents ans qu’on n’a point remarqué qu’il y ait eu une femme, Dieu merci, qui ait fait parler d’elle.

Monsieur de Sotenville
Corbleu ! dans la maison de Sotenville on n’a jamais vu de coquette, et la bravoure n’y est pas plus héréditaire aux mâles, que la chasteté aux femelles.

Madame de Sotenville
Nous avons eu une Jacqueline de la Prudoterie qui ne voulut jamais être la maîtresse d’un duc et pair, gouverneur de notre province.

Monsieur de Sotenville
Il y a eu une Mathurine de Sotenville qui refusa vingt mille écus d’un favori du roi, qui ne lui demandait seulement que la faveur de lui parler.

George Dandin
Ho bien ! votre fille n’est pas si difficile que cela, et elle s’est apprivoisée depuis qu’elle est chez moi.

Monsieur de Sotenville
Expliquez-vous, mon gendre. Nous ne sommes point gens à la supporter dans de mauvaises actions, et nous serons les premiers, sa mère et moi, à vous en faire la justice.

Madame de Sotenville
Nous n’entendons point raillerie sur les matières de l’honneur, et nous l’avons élevée dans toute la sévérité possible.

George Dandin
Tout ce que je vous puis dire, c’est qu’il y a ici un certain courtisan que vous avez vu, qui est amoureux d’elle à ma barbe, et qui lui a fait faire des protestations d’amour qu’elle a très humainement écoutées.

Madame de Sotenville