Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/567

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emmes ont des manières qui les savent chasser d’abord.

Angélique
Moi, les chasser ? et par quelle raison ? Je ne me scandalise point qu’on me trouve bien faite, et cela me fait du plaisir.

George Dandin
Oui. Mais quel personnage voulez-vous que joue un mari pendant cette galanterie ?

Angélique
Le personnage d’un honnête homme qui est bien aise de voir sa femme considérée.

George Dandin
Je suis votre valet. Ce n’est pas là mon compte, et les Dandins ne sont point accoutumés à cette mode-là.

Angélique
Oh ! les Dandins s’y accoutumeront s’ils veulent. Car pour moi, je vous déclare que mon dessein n’est pas de renoncer au monde, et de m’enterrer toute vive dans un mari. Comment ? parce qu’un homme s’avise de nous épouser, il faut d’abord que toutes choses soient finies pour nous, et que nous rompions tout commerce avec les vivants ? C’est une chose merveilleuse que cette tyrannie de Messieurs les maris, et je les trouve bons de vouloir qu’on soit morte à tous les divertissements, et qu’on ne vive que pour eux. Je me moque de cela, et ne veux point mourir si jeune.

George Dandin
C’est ainsi que vous satisfaites aux engagements de la foi que vous m’avez donnée publiquement ?

Angélique
Moi ? je ne vous l’ai point donnée de bon cœur, et vous me l’avez arrachée. M’avez-vous, avant le mariage, demandé mon consentement, et si je voulais bien de vous ? Vous n’avez consulté, pour cela, que mon père et ma mère ; ce sont eux proprement qui vous ont épousé, et c’est pourquoi vous ferez bien de vous plaindre toujours à eux des torts que l’on pourra vous faire. Pour moi, qui ne vous ai point dit de vous marier avec moi, et que vous avez prise sans consulter mes sentiments, je prétends n’être point obligée à me soumettre en esclave à vos volontés ; et je veux jouir, s’il vous plaît, de quelque nombre de beaux jours que m’offre la jeunesse, prendre les douces libertés que l’âge me permet, voir un peu le