Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/82

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si sainte pensée, et que j’allasse, en vous retenant, me mettre le ciel sur les bras ? que pour… ?

Done Elvire

Ah ! scélérat, c’est maintenant que je te connais tout entier ; et pour mon malheur, je te connais lorsqu’il n’en est plus temps, et qu’une telle connaissance ne peut plus me servir qu’à me désespérer ; mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le même ciel dont tu te joues me saura venger de ta perfidie.

Don Juan

Sganarelle, le ciel !

Sganarelle

Vraiment oui, nous nous moquons bien de cela, nous autres.

Don Juan

Madame…

Done Elvire

Il suffit. Je n’en veux pas ouïr davantage, et je m’accuse même d’en avoir trop entendu. C’est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte ; et, sur de tels sujets, un noble cœur, au premier mot, doit prendre son parti. N’attends pas que j’éclate ici en reproches et en injures ; non, non, je n’ai point un courroux à exhaler en paroles vaines, et toute sa chaleur se réserve pour sa vengeance. Je te le dis encore, le ciel te punira, perfide, de l’outrage que tu me fais ; et si le ciel n’a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la colère d’une femme offensée.



Scène IV

DON JUAN, SGANARELLE.
Sganarelle, à part.

Si le remords le pouvait prendre !

don Juan, après une petite réflexion.

Allons songer à l’exécution de notre entreprise amoureuse.

Sganarelle, seul.

Ah ! quel abominable maître me vois-je obligé de servir !