Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/86

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Charlotte

Quement ? qu’est-ce que c’est donc qu’iglia ?

Pierrot

Iglia que tu me chagraignes l’esprit, franchement.

Charlotte

Et quement donc ?

Pierrot

Tétiguienne, tu ne m’aimes point.

Charlotte

Ah ! ah ! n’est-ce que ça ?

Pierrot

Oui, ce n’est que ça, et c’est bian assez.

Charlotte

Mon Guieu, Piarrot, tu me viens toujou dire la même chose.

Pierrot

Je te dis toujou la même chose, parce que c’est toujou la même chose ; et, si ce n’était pas toujou la même chose, je ne te dirais pas toujou la même chose.

Charlotte

Mais, qu’est-ce qu’il te faut ? Que veux-tu ?

Pierrot

Jerniquienne ! je veux que tu m’aimes.

Charlotte

Est-ce que je ne t’aime pas ?

Pierrot

Non, tu ne m’aimes pas, et si, je fais tout ce que je pis pour ça. Je t’achète, sans reproche, des rubans à tous les marciers qui passont ; je me romps le cou à t’aller dénicher des marles ; je fais jouer pour toi les vielleux quand ce vient ta fête ; et tout ça, comme si je me frappais la tête contre un mur. Vois-tu, ça n’est ni biau ni honnête de n’aimer pas les gens qui nous aimont.

Charlotte

Mais, mon Guieu, je t’aime aussi.

Pierrot

Oui, tu m’aimes d’une belle dégaine !

Charlotte

Quement veux-tu donc qu’on fasse ?