Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/89

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Don Juan, apercevant Charlotte.

Ah ! ah ! d’où sort cette autre paysanne, Sganarelle ? As-tu rien vu de plus joli ? et ne trouves-tu pas, dis-moi, que celle-ci vaut bien l’autre ?

Sganarelle

Assurément. (à part.) Autre pièce nouvelle.

Don Juan, à Charlotte.

D’où me vient, la belle, une rencontre si agréable ? Quoi ! dans ces lieux champêtres, parmi ces arbres et ces rochers, on trouve des personnes faites comme vous êtes ?

Charlotte

Vous voyez, monsieu.

Don Juan

Êtes-vous de ce village ?

Charlotte

Oui, monsieu.

Don Juan

Et vous y demeurez ?

Charlotte

Oui, monsieu.

Don Juan

Vous vous appelez… ?

Charlotte

Charlotte, pour vous servir.

Don Juan

Ah ! la belle personne, et que ses yeux sont pénétrants !

Charlotte

Monsieu, vous me rendez toute honteuse.

Don Juan

Ah ! n’ayez point de honte d’entendre dire vos vérités. Sganarelle, qu’en dis-tu ? Peut-on rien voir de plus agréable ? Tournez-vous un peu, s’il vous plaît. Ah ! que cette taille est jolie ! Haussez un peu la tête, de grâce. Ah ! que ce visage est mignon ! Ouvrez vos yeux entièrement. Ah ! qu’ils sont beaux ! Que je voie un peu vos dents, je vous prie. Ah ! qu’elles sont amoureuses, et ces lèvres appétissantes ! Pour moi, je suis ravi, et je n’ai jamais vu une si charmante personne.

Charlotte

Monsieu, cela vous plaît à dire, et je ne sais pas si c’est pour vous railler de moi.