Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 01.djvu/10

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foulant aux pieds les obstacles, tantôt les tournant avec adresse. Le sujet de Tartuffe est dans Lucrèce ; à Lucrèce appartient ce vers, véritable devise de Molière :

Et religionis… nodos solvere curo[1].

La puissance de Molière sur les esprits a été telle, qu’une légende inexacte, calomnieuse de son vivant, romanesque après sa mort, s’est formée autour de cette gloire populaire. Il est un mythe comme Jules César et Apollon.

Dates, événements, réalités, souvenirs, sont venus se confondre dans un inextricable chaos où la figure de Molière a disparu. Tous les vices jusqu’à l’ivrognerie, jusqu’à l’inceste et au vol, lui furent imputés de son vivant. Les vertus les plus éthérées lui furent attribuées par les prêtres de son culte. Homme d’action, sans cesse en face du public, du roi ou de sa troupe, occupé de son gouvernement et de la création de ses œuvres, il n’a laissé aucune trace de sa propre vie, aucun document biographique, à peine une lettre. Les pamphlets pour et contre lui composaient déjà une bibliothèque, lorsqu’un écouteur aux portes, nommé Grimarest, collecteur d’anas, aimant l’exagération des récits et incapable de critique, prétendit, trente-deux ans après la mort du comédien populaire, raconter et expliquer sa vie. Vers la même époque, une comédienne, à ce que l’on croit du moins, forcée de se réfugier en Hollande, jetait dans un libelle les souvenirs de coulisse qu’elle avait pu recueillir sur l’intérieur du ménage de Molière et de sa femme. Enfin quelques détails authentiques, semés dans l’édition de ses œuvres publiée par Lagrange en 1682, complètent l’ensemble des documents comtemporains qui ont servi de base à cette légende de Molière, excellente à consulter, mais qu’il est bon de soumettre à l’examen le plus scrupuleux.

  1. Ce que je veux, c’est rompre les entraves qui nous enchaînent ({{lang|la|religionis… quod religat).