Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 01.djvu/57

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Angélique

Quoi ! tu ne m’ouvriras pas ?

Le Barbouillé

Non.

Angélique

Et tu n’as point de pitié de ta femme qui t’aime tant ?

Le Barbouillé

Non, je suis inflexible ; tu m’as offensé, je suis vindicatif comme tous les diables ; c’est-à-dire bien fort, je suis inexorable.

Angélique

Sais-tu bien que, si tu me pousses à bout et que tu me mettes en colère, je ferai quelque chose dont tu te repentiras ?

Le Barbouillé

Et que feras-tu, bonne chienne ?

Angélique

Tiens, si tu ne m’ouvres, je m’en vais me tuer devant la porte : mes parents, qui sans doute viendront ici auparavant de se coucher, pour savoir si nous sommes bien ensemble, me trouveront morte, et tu seras pendu.

Le Barbouillé

Ah, ah, ah, ah, la bonne bête ! et qui y perdra le plus de nous deux ? Va, va, tu n’es pas si sotte que de faire ce coup-là.

Angélique

Tu ne le crois donc pas ? Tiens, tiens, voilà mon couteau tout prêt ; si tu ne m’ouvres, je m’en vais tout à cette heure m’en donner dans le cœur.

Le Barbouillé

Prends garde, voilà qui est bien pointu.

Angélique

Tu ne veux donc pas m’ouvrir ?

Le Barbouillé

Je t’ai déjà dit vingt fois que je n’ouvrirai point ; tue-toi, crève, va-t’en au diable, je ne m’en soucie pas.

Angélique, faisant semblant de se frapper.

Adieu donc… Aïe ! je suis morte !

Le Barbouillé

Seroit-elle bien assez sotte pour avoir fait ce coup-là ? il faut que je descende avec la chandelle pour aller voir.