Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 1.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
LIVRE I, CHAP. VI

boutissaient tout au plus qu’à ne pas trop décroître en nombre. La force des choses améliorait la situation des premiers. Plus nombreux, ils devenaient nécessairement plus libres. Il n’y avait pas seulement parmi eux des affranchis, des étrangers patronnés : ils comptaient surtout dans leurs rangs, nous ne saurions trop le redire, les anciens citoyens des villes latines vaincues, et les immigrants latins vivant à Rome, non pas selon le bon plaisir du roi, ou des citoyens romains, mais aux termes même d’un traité d’alliance. Maîtres absolus de leur fortune ils acquéraient de l’argent et des biens dans leur patrie nouvelle ; ils laissaient leur héritage foncier à leurs enfants, et aux enfants de leurs enfants. En même temps se relâchait le lien de la dépendance étroite qui les attachait tous aux familles des patrons. L’esclave affranchi, l’étranger nouvellement venu dans la ville, étaient isolés, jadis ; aujourd’hui, des enfants, des petits enfants les ont remplacés, qui s’entraident, et tentent de repousser dans l’ombre l’autorité du patron. Jadis le client, pour obtenir justice avait besoin de son assistance : mais, depuis que l’État en se consolidant avait à son tour amoindri la prépondérance des gentes et des familles coalisées, on avait vu souvent le client se présenter seul devant le roi, demander justice, et tirer réparation du préjudice souffert. Et puis, parmi tous ces anciens membres des cités latines disparues, il en était beaucoup qui n’étaient jamais entrés dans la clientèle d’un simple citoyen ; ils appartenaient à la clientèle du roi, et dépendaient d’un maître auquel tous les autres citoyens, à un autre titre si l’on veut, étaient aussi tenus d’obéir. Or le roi qui, à son tour, savait son autorité dépendante du bon vouloir du peuple, dut trouver avantageux de se former avec ces nombreux protégés tout une utile classe d’hommes, dont les dons et les héritages pouvaient remplir son trésor, sans compter la rente qu’ils lui versaient en