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SUPRÉMATIE DE ROME DANS LE LATIUM

tale. Loin de nous pourtant de dire qu’il y ait eu toujours une transportation en masse comme cela se pratiquait en Orient lors de la fondation des villes. Nous faisons nos justes réserves, au contraire. Mais qu’était-ce alors que les villes latines ? De simples réduits fortifiés, servant au marché hebdomadaire des gens des campagnes. Rome n’eut qu’à transférer ce marché et l’assemblée dans un autre chef-lieu. Les temples furent souvent conservés dans leur antique place. Après leur destruction même, Albe et Cœnina eurent encore une sorte d’existence religieuse. Que si la position militaire étant trop forte, il était absolument nécessaire de transplanter toute la population ailleurs, Rome ne pouvait oublier, d’un autre côté, les intérêts de l’agriculture ; et elle se contenta souvent de répartir les habitants dans les bourgs ouverts de leur ancien territoire. Quoi qu’il en soit, les vaincus furent souvent, tous ou pour la plupart, transportés dans la ville romaine, et contraints à se fixer. Les légendes latines le disent en maintes occasions : et, ce qui le prouve mieux que la légende, c’est la loi romaine elle-même, d’après laquelle celui-là seul pouvait pousser en avant le Pomœrium (mur de ville), qui avait d’abord agrandi le territoire romain[1]. Naturellement, qu’ils fussent ou non conduits à Rome, les vaincus tombèrent en clientèle[2] :

  1. [Pomœrium (pone murum) espace consacré en dedans et en dehors du mur d’enceinte, et sur lequel il était interdit de bâtir. — Il y avait là une véritable zone de servitude militaire et religieuse. — V. Aul. Gell. 13, 14.]
  2. De là est venue sans nul doute la disposition qu’on lit dans la loi des Douze Tables : Nex (i mancipiique) forti sanatique idem jus esto : suivant laquelle, dans les relations du droit privé, la loi est la même (mot à mot) pour l’homme fort et pour l’homme guéri. Il ne pouvait s’agir ici des alliés latins, dont l’état légal était régi par des traités d’alliance : les XII Tables d’ailleurs ne règlent que le droit romain proprement dit : les Sanates sont donc évidemment les Latini prisci cives romani anciens Latins (devenus citoyens romains), ceux que les Romains avaient amenés des pagi latins, et dont ils avaient ainsi fait des plébéiens.