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LIVRE I, CHAP. X

thage. C’est par l’intermédiaire des Hellènes, que les Romains ont connu les Chanaanites ; puisque, comme nous l’avons vu (p. 175), ils ne les désignent que par l’appellation grecque de Phéniciens (Pœni, Φοίνιϰοι) ; mais ce n’est point aux Grecs qu’ils avaient emprunté les noms qu’ils donnaient à Carthage[1], et au peuple Africain[2]. Les marchandises tyriennes s’appelaient sarraniennes chez les anciens Romains[3] et ce nom exclut aussi toute idée d’une provenance hellénique. Enfin, la plus forte et dernière preuve du mouvement commercial existant anciennement et directement entre Rome et Carthage ressort des traités qui furent plus tard conclus entre les deux peuples.

Associés dans leurs efforts, les Phéniciens et les Italiotes restèrent les maîtres de la moitié occidentale de la Méditerranée.

Le nord-ouest de la Sicile avec les havres considérables de Soloéïs et de Panormos [Palerme] sur la côte septentrionale, de Motyé sur le cap tourné vers l’Afrique, leur appartinrent directement ou médiatement. Au temps de Cyrus et de Crésus, alors que Bias le Sage conseillait aux Ioniens d’émigrer en masse, et quittant l’Asie Mineure, d’aller s’établir en Sardaigne (vers 554 av. J.-C.200), le général carthaginois Malchus les y avait déjà devancés, et avait soumis à la pointe de l’épée une grande partie de cette île vaste et importante. Un demi-siècle plus tard

  1. Karthada en phénicien ; Καρχήδων, en grec ; Carthago, en latin.
  2. Les mots Afer, Afri, utilisés déjà au temps de Caton et d’Ennius (sic. Scipio Africanus) n’ont rien d’hellénique : ils sont très probablement de même souche que le nom d’Hebrœi, Hébreux.
  3. Les Romains donnèrent tout d’abord le nom de sarranienne à la pourpre, à la flûte de Tyr ; et, à dater tout du moins des guerres d’Annibal, le nom (cognomen) de Sarranus est chez eux assez fréquent. On trouve dans Ennius et Plaute le nom de la ville Sarra, dérivé aussi de Sarranus et non directement emprunté au mot indigène Sor. Les formes grecques Tyrus, Tyrius, n’ont guère été usitées à Rome avant Afranius. V. Festus, p. 355 ; Müller ; et aussi, Mœvers, die Phœn. (Les Phéniciens), 2, 1, 74.