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LIVRE I, CHAP. XI

montrent le pouvoir de la cité luttant encore contre l’autorité des communautés cantonales ou des familles, nous ne trouvons plus trace à Rome de cet état de choses primitif : nulle alliance offensive ou défensive n’y est formée au sein de la cité entre certains de ses membres, pour suppléer à la protection défaillante du pouvoir central. Nous n’y trouvons non plus nulle trace sérieuse de la vengeance du sang, ou de restrictions apportées au droit de libre disposition, dans l’intérêt des propriétés de la famille. Les Italiques ont passé par la même route : certains rites du droit religieux, le bouc expiatoire, par exemple, que l’auteur d’un meurtre involontaire était tenu de donner au plus proche parent du mort, en fourniraient au besoin la preuve : mais si loin que nous remontions dans les souvenirs de la Rome primitive, nous voyons qu’elle a depuis longtemps franchi cette première étape de la civilisation. Non que les races, les familles, soient noyées désormais au sein de la cité ; mais elles ne peuvent pas plus porter atteinte à la toute-puissance de l’État, en matière de droit public, que ne lui préjudicie la liberté pleine et entière qu’il laisse ou qu’il assure à chacun des citoyens. Dans tous les actes juridiques, l’État apparaît et décide : le mot liberté n’est autre que l’expression du droit de cité, dans son acception la plus large ; la propriété repose sur la tradition expressément ou tacitement effectuée par l’État lui-même, en faveur du propriétaire ; et les contrats ne valent qu’autant que la cité les atteste par l’organe de ses représentants. Le testament ne vaut que si la cité le confirme. Le droit public et le droit privé ont leurs limites distinctes et précises : il y a les délits contre l’État qui appellent aussitôt l’action du juge public, et emportent toujours la peine capitale ; il y a les délits contre les citoyens et les hôtes, qui se réparent par la voie des accommodements, par une expiation ou une satisfaction privée, et qui