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RELIGION

reste bien loin derrière le dieu indigène. De même encore, en vertu des traités, le droit de bourgeoisie peut être donné aux dieux, comme il est donné aux hommes des cités étrangères : et s’il arrive que les habitants des villes conquises soient transférés à Rome, leurs dieux sont en même temps invités à venir y fixer leur résidence.

Nous n’avons pas à exposer ici tout le détail de la mythologie romaine : mais ce serait manquer à un devoir de l’historien, que de ne pas faire ressortir d’abord la simplicité terre à terre, et la nature tout intime, des divinités de Rome. Abstraire et personnifier à la fois, est de l’essence des mythologies romaine et grecque : le dieu grec a aussi pour prototype un phénomène naturel, ou une notion morale ; et chose qui témoigne de la tendance prédominante chez l’un aussi bien que chez l’autre peuple, à la personnification religieuse, c’est que leurs divinités sont tantôt mâles, tantôt femelles. Notons l’invocation usitée à Rome : « Que tu sois dieu ou déesse, homme ou femme ! » Notons enfin cette superstition profonde du Romain, qui lui défend de prononcer le nom du génie protecteur de la cité, de crainte que l’ennemi de Rome n’en ait connaissance, et en l’invoquant à son tour, n’invite le dieu à passer la frontière. L’antique figure de Mars, la plus vieille et la plus nationale des divinités italiques est elle-même un débris de ces personnifications puissantes. Mais tandis qu’ailleurs l’abstraction qui est au fond de toute religion va s’élevant sur l’aile d’une pensée sans cesse agrandie ; tandis qu’elle tend à pénétrer chaque jour plus avant dans l’essence des choses, l’on voit au contraire les images sensibles du paganisme romain se pétrifier d’une façon incroyable, et s’établir sur les degrés les plus humbles dans l’ordre des conceptions contemplatives. Pour les Grecs, tout motif religieux de quelque importance se transfigure aussitôt, et donne matière à un groupe anthropo-