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LIVRE I, CHAP. XII

des signes et des prodiges. Les Romains, dans la voix de la nature, croyaient aussi entendre la voix des dieux : toutefois, leur augure ne se retrouvait que parmi les signes les plus simples ; il ne pouvait qu’en gros reconnaître si l’acte à accomplir serait heureux ou malheureux. Tout dérangement dans le cours ordinaire des phénomènes lui semblait d’un fâcheux pronostic, et empêchait de passer outre. Un coup de tonnerre, un éclair faisaient dissoudre aussitôt l’assemblée du peuple : d’autres fois, on s’efforçait d’anéantir le fait accompli : l’enfant venu difforme, par exemple, était mis à mort aussitôt. Au delà du Tibre on ne se contentait pas pour si peu. L’Étrusque plus méditatif, dans les éclairs ou les entrailles de la victime, savait lire tout l’avenir de l’homme pieux : plus le langage divin était étrange, plus les signes et les prodiges semblaient surprenants, plus il proclamait haut la sûreté de sa divination, et le moyen de prévenir les périls annoncés. On vit alors se former toute une science des éclairs, des aruspices et des prodiges, allant se perdre dans les subtilités capricieuses d’une intelligence affolée : mais c’étaient les éclairs, surtout, qui tenaient la première place dans la discipline augurale. Un jour, un laboureur, non loin de Tarquinies, retourna d’un coup du soc de sa charrue une sorte de petit gnome à visage d’enfant et à cheveux blancs, nommé Tagès par la légende (comme si vraiment il eût été la vivante moquerie de cette science, tout à la fois enfantine et vieillotte). Ce fut lui, en tous cas, qui l’enseigna aux Étrusques ; puis il mourut, sa tâche accomplie. Ses disciples et successeurs enseignèrent quels dieux lancent les éclairs : ils reconnaissaient la foudre de tel ou tel dieu, suivant le coin du ciel d’où elle était partie, ou la couleur dont elle avait brillé : ils disaient si l’éclair présage un fait permanent, ou un événement passager ; et dans cette dernière hypothèse, si l’événement aura une