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LIVRE I, CHAP. XIII

bataille ; je ne sache pas de paix qu’ils aient subie avec perte notable de territoire. Le paysan romain défendit son champ avec autant de bonheur que d’opiniâtreté. Commander au sol fait la force de l’homme et celle de l’État. La grandeur romaine eut son assiette la plus inébranlable dans le droit absolu et immédiat du citoyen sur sa terre, et dans l’unité compacte de la forte et exclusive classe des laboureurs.

Communauté des terres.On a vu plus haut (p. 50, 95) que tout à l’origine les terres furent occupées en commun, réparties sans doute entre les diverses associations de famille ; et que leurs produits seulement se distribuaient par feux. La communauté agraire, en effet, et la cité constituée par l’association des familles, sont liées entre elles par d’intimes rapports et longtemps après la fondation de Rome, on rencontre souvent encore de véritables communistes vivant et exploitant le sol ensemble[1]. La langue du vieux droit atteste que la richesse a consisté d’abord en troupeaux et en droits réels d’usages, et que ce ne fut que plus tard que la terre fut divisée entre les citoyens à titre de propriété privée[2]. En veut-on la preuve incon-

  1. Qu’on n’aille point, d’ailleurs, chercher dans les antiquités italiennes quelque chose qui ressemble à la communauté agraire des Germains, la propriété partagée entre les compagnons, à côté de la culture du sol faite en commun. Alors même que, comme en Germanie, chaque membre de la famille eût pu être considéré comme le propriétaire de tel champ, compris dans tel canton, préalablement délimité, du territoire commun, la séparation des cultures n’en serait pas moins sortie plus tard du morcellement des portions arables. Mais c’est bien plutôt le contraire qui eut lieu en Italie ; là les parts assignées à chaque habitant portent tout d’abord son nom (fundus Çornelianus) ; et la possession foncière, on le voit par ce témoignage, s’individualise aussitôt que née, et se montre réellement et complètement exclusive.
  2. Cicéron (de Rep., 2, 9, 14 ; conf. Plutarch., quest. rom., 15) s’exprime ainsi : Tum (au temps de Romulus) erat res in pecore et locorum possessionibus, ex quo pecuniosi et locupletes vocabantur. — (Numa) primum agros, quos bello Romulus ceperat, divisit viritim civibus. Denys d’Halicarnasse attribue également à Romulus le partage des terres en trente districts de curies ; à Numa la plantation des bornes et l’introduction de la fête du dieu Terme (Terminalia, Denys, I, 7, 2, 74) ; v. encore Plutarch., Numa, 16.)